Avertissement : des membres du public sont contactés par des personnes prétendant travailler pour AXA Investment Managers. Découvrez plus d'informations et ce qu'il faut faire en cliquant ici.

Investment Institute
Vues de la recherche

Edito Juillet - Atterrissages, en douceur ou brutaux

  • 26 juillet 2023 (5 minutes)

Points clé

  • Le discours macroéconomique commence à diverger de part et d'autre de l'Atlantique, un atterrissage en douceur étant souvent considéré comme probable aux Etats-Unis – davantage qu'en Europe, où les données non définitives continuent d'indiquer une contraction du PIB.
  • Les actions sous-performeraient en cas d'atterrissage brutal.
  • Les obligations offrent un revenu et une diversification dans un contexte moins favorable.

Les Etats-Unis et l’Europe sont-ils toujours sur la même trajectoire ?

Le récit macroéconomique a longtemps été similaire pour les Etats-Unis et l'Europe. Dans les deux cas, la persistance de l'inflation appelait un resserrement monétaire symétrique qui supprimerait l'excès de demande et provoquerait un atterrissage du marché du travail qui freinerait les salaires, au prix d'une récession peu profonde. L'histoire se complique toutefois : aux Etats-Unis, des signes tangibles de désinflation sont apparus sans que l'économie réelle ne perde de son dynamisme, tandis que dans la zone euro - où plusieurs Etats membres, dont l'Allemagne, sont en récession depuis la fin de l'année 2022 – les données d’enquête indiquent une détérioration encore plus marquée de l'activité dans les mois à venir, sans que l'inflation sous-jacente ne s'atténue beaucoup. Le marché anticipe désormais un resserrement monétaire plus important dans la zone euro qu'aux Etats-Unis, ce qui renforce les risques d'un « atterrissage brutal » en Europe.

Les caractéristiques institutionnelles respectives du marché du travail dans la zone euro et aux Etats-Unis peuvent contribuer à cette divergence. Le processus de négociation salariale aux Etats-Unis a tendance à être individualisé, ce qui permet de réagir rapidement aux changements, même minimes, des opportunités d'emploi. Dans la zone euro, ce sont les négociations collectives qui dominent, l'accent étant mis sur le rattrapage des pertes de pouvoir d'achat en période d'inflation élevée et une moindre sensibilité aux perspectives d'emploi. Les « effets de second tour » du choc inflationniste pourraient donc durer plus longtemps dans la zone euro, et il faudra peut-être une détérioration plus marquée du marché du travail pour que l'inflation atteigne enfin l'objectif de la Banque Centrale Européenne (BCE). Même si les faucons du Conseil des gouverneurs se sont faits plus discrets ces derniers temps, ces questions occupent une place prépondérante dans leurs préoccupations.

L'orientation budgétaire pourrait également jouer un rôle. Si l'ère de la relance budgétaire massive est probablement révolue aux Etats-Unis, il n'y a aucune chance que l'on assiste à un tournant vers l'austérité en 2024, surtout en cette année électorale. À l'inverse, tous les Etats membres de la zone euro – à des degrés divers – prévoient un effort d'ajustement budgétaire pour l'année prochaine, alors que le cadre de surveillance de l'UE se met à nouveau en place. C'est précisément au moment où l'impact du resserrement monétaire cumulatif atteindra son apogée que le frein budgétaire commencera à affecter la demande globale.

Néanmoins, à notre avis, le scénario d'un « atterrissage en douceur » aux Etats-Unis – où même une récession superficielle serait évitée – n'est pas encore l'issue la plus évidente. Il est vrai que l'inflation américaine a déjà baissé de manière significative, bénéficiant de la combinaison de la baisse des prix de l'énergie, de la décélération des prix des denrées alimentaires et des produits manufacturés, et le secteur des services semble proche de suivre la même tendance, grâce en partie à l'amorce d'une décélération des loyers. Pourtant, la « dernière ligne droite » – faire passer l'inflation de base d'un rythme de 4,8% en juin à l'objectif de 2% de la Réserve Fédérale (Fed) – pourrait encore être difficile à franchir sans une véritable baisse de la demande globale. Il nous semble difficile de concilier un scénario « d'atterrissage en douceur », dans lequel l'économie évite la contraction, avec le type d'inflation durablement proche de 2% que la Fed souhaiterait voir avant d'éloigner l'orientation monétaire d'un territoire restrictif. Le taux directeur actuel est déjà environ deux fois supérieur au niveau d'équilibre. Des miracles peuvent bien sûr se produire, mais nous ne voyons pas quel changement structurel dans l'économie américaine l'aurait rendue résistante à une phase prolongée de conditions monétaires restrictives. Il se peut que les séquelles de la pandémie – par exemple son impact sur l'épargne personnelle – perturbent le temps de transmission habituel du signal monétaire à l'économie réelle, mais nous doutons que l'effet lui-même ait diminué de manière aussi significative. Nous reconnaissons toutefois que l'atterrissage en douceur des Etats-Unis est désormais la référence du marché.

Un atterrissage brutal modifie les perspectives d'investissement

Il n'y a rien de particulièrement inhabituel à ce que les performances des actions soient supérieures à celles des obligations en 2023, dans un contexte de hausse importante des taux d'intérêt à court terme. Aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale a relevé ses taux de 350 points de base au cours des douze derniers mois. L'indice S&P500 a enregistré une performance d'environ 11% depuis lors, tandis que l'indice Bloomberg US Aggregate Bond a enregistré une performance négative de 3%. Bien entendu, le moteur macroéconomique de tous ces mouvements a été la forte croissance du PIB nominal.

Ce profil de performance du marché est susceptible de changer de manière significative si les Etats-Unis et d'autres économies entrent en récession au cours de l'année prochaine. Historiquement, les performances des actions deviennent négatives lorsque la récession s'amorce et que la Réserve Fédérale réduit les taux d'intérêt. Au cours des cinquante dernières années, la sous-performance des actions a été significative lorsque la politique monétaire s'est assouplie en réponse à la baisse des taux de croissance du PIB. Ce fut le cas en 1980, 2000 et 2009. Les performances sont déterminées par la croissance du PIB et ses conséquences sur les bénéfices des entreprises.

Le consensus ne prévoit pas de récession profonde aux Etats-Unis. En fait, prises au pied de la lettre, les prévisions du PIB ressemblent davantage à l'atterrissage en douceur légendaire où la croissance est inférieure à la tendance, ce qui permet l'émergence d'une capacité de réserve juste suffisante pour ramener l'inflation à un niveau inférieur. Ce consensus sur la croissance s'accompagne de perspectives tout aussi confortables pour les bénéfices. Le consensus actuel pour le S&P500 prévoit pour 2024 un taux de croissance du bénéfice par action de 11%, contre une stagnation pour 2023.

En douceur ou brutal, obligations ou actions ?

Il semble que les investisseurs soient confrontés à deux scénarios pour l'année à venir. Le premier est le consensus décrit ci-dessus. L'autre scénario est celui où l'économie réagit comme elle l'a toujours fait face à un choc inflationniste et à un resserrement monétaire. En d'autres termes, il y a récession. Les résultats en matière d'investissement seraient différents dans les deux cas. Dans le scénario de l'atterrissage en douceur, les actions continueraient à surpasser les obligations grâce à la reprise de la croissance des bénéfices en 2024. Toutefois, l'économie étant proche de sa pleine capacité - les atterrissages en douceur n'entraînent généralement pas d'augmentation significative du taux de chômage - il serait difficile de procéder à une réduction agressive des taux d'intérêt qui stimulerait les rendements obligataires. L'inflation resterait une préoccupation pour les banques centrales et une gestion plus active des paramètres des politiques monétaires pourrait devenir la norme. Une prime de terme plus importante pourrait être nécessaire dans les courbes de rendements obligataires pour refléter une plus grande incertitude quant aux niveaux futurs des taux d'intérêt et une réévaluation des taux d'intérêt d'équilibre.

Dans un tel scénario, le principal attrait des titres à revenu fixe résiderait dans les revenus tirés des niveaux de rendement, qui pourraient ne pas trop s'écarter des niveaux actuels. Toute nécessité de maintenir une politique monétaire plus stricte que neutre limiterait l'ampleur de la baisse des taux, sans risque à long terme, comme la réduction significative des spreads de crédit par rapport aux niveaux actuels, proches des moyennes à long terme. Les obligations seraient une source de revenus et une source de diversification de l'exposition aux actions.

Le scénario de la récession serait bien différent. Les bénéfices des entreprises seraient soumis à la pression d'une baisse des revenus en raison du ralentissement de la croissance du PIB, donc de leurs résultats, et elles auraient plus de mal à maintenir leurs marges bénéficiaires. Pour le marché américain des actions en particulier, les valorisations actuelles n'offrent aucune valeur dans un scénario où la croissance des bénéfices redeviendrait négative. La chute des cours boursiers aurait des répercussions négatives sur l'économie réelle en réduisant les dépenses d'investissement et la confiance des consommateurs. La Réserve Fédérale interviendrait rapidement pour réduire les taux d'intérêt, ce qui permettrait aux rendements obligataires de baisser et de générer des performances bien supérieures à celles suggérées par les niveaux actuels des rendements. Le résultat, aux Etats-Unis, devrait être une augmentation significative des primes de risque ex ante sur les actions, suffisamment pour finalement attirer à nouveau les investisseurs vers les actions, en prévision d'une éventuelle reprise de l'économie et des entreprises.

La résilience persiste

Il est difficile d'envisager aujourd'hui une issue plus négative. Il n'y a pas eu véritable évidence d'excès mondiaux. Les niveaux d'endettement des entreprises ont été gérables, bien qu'ils le soient de moins en moins au fur et à mesure que les taux d'intérêt se maintiennent à un niveau élevé. Les marchés du travail sont tendus dans la plupart des économies développées. Jusqu'à présent, la saison des bénéfices du deuxième trimestre a été robuste, les banques, qui sont souvent le signal d'alarme des problèmes économiques qui se préparent, ayant publié des chiffres solides, sans que l'on s'attende vraiment à des problèmes de crédit majeurs. Pourtant, il y a des signes de faiblesse. Les enquêtes mondiales auprès des directeurs d'achat indiquent que l'industrie manufacturière est en récession, et ce depuis un certain temps. La hausse des taux d'intérêt commence à peser sur le pouvoir d'achat des ménages dans les économies où les coûts d'emprunt hypothécaire sont les plus sensibles. Au niveau mondial plus largement, le taux de croissance de la Chine est décevant et n'a pas stimulé la demande après la fin de la politique du zéro Covid, ce qui explique l'affaiblissement de certaines parties de l'économie de la zone euro. Un atterrissage brutal au niveau mondial n'est pas à exclure.

Les données économiques et les réponses politiques seront déterminantes pour les mois à venir. Les actions américaines sont de nouveau chères. Le rendement des bénéfices des actions ne soutient pas très bien la comparaison avec les rendements des obligations d'entreprises de qualité. Abstraction faite de ce qui pourrait arriver aux multiples des bénéfices dans certaines parties du secteur technologique, il est plus probable que les multiples diminuent si un ralentissement de la croissance se généralise. En effet, le pire résultat pour les actions serait une révision à la baisse des estimations de bénéfices pour 2024 et une perte partielle de l'expansion des multiples de cette année. La baisse des rendements obligataires apporterait un certain soulagement, mais une correction majeure des prix devrait se produire avant cela.

Un atterrissage en douceur pourrait certes en résulter. Une croissance positive du PIB devrait permettre aux entreprises de maintenir une certaine croissance de leurs bénéfices, tandis qu'un relâchement de l'inflation réduirait les pressions sur les coûts ainsi que la croissance nominale des revenus, ce qui signifie que les marges peuvent encore être confortables. Il serait tout à fait remarquable que ce scénario s'applique aux marchés américains au cours de l'année à venir, mais après les chocs des trois dernières années, la résilience de l'économie n'est pas remise en question. Toutefois, les obligations sont aujourd'hui mieux valorisées qu'elles ne l'ont été ces dernières années, tandis que certaines parties du marché des actions reflètent des valorisations très optimistes. Certains investisseurs pourraient vouloir profiter des faibles niveaux de volatilité implicite pour assurer leurs portefeuilles d'actions. Plus simplement, les rendements implicites du marché monétaire resteront élevés pendant un certain temps et, à mesure que les risques sur la croissance augmentent, la sécurité de ces rendements doit être mise en balance avec les perspectives d'un marché des actions américain où les valorisations et les risques liés aux bénéfices n'incitent pas à l'achat.

Documents liés

Full Global Macro Monthly - July 2023
Download the full article (636.71 Ko)
Full slide deck of our July Global Monthly Strategy
Download the full deck (2.08 Mo)
Investment Institute

Recherche et analyses

En savoir plus

Articles et vidéos

Vues de la recherche

Edito Avril - Au-delà de l’Occident

Vues de la recherche

Edito Mars - La direction du voyage se précise

Vues de la recherche

Edito Février - Explorons l’exubérance

    Avertissement sur les risques

    La valeur des investissements, et les revenus qu'ils génèrent, sont sujets à des variations, ce qui peut engendrer une perte totale ou partielle du capital initialement investi.

    Haut de page