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Macroéconomie

Edito Février - La fin du «pivot dovish»

  • 23 février 2023 (10 minutes)

Points clé

  • Les dernières données économiques ont entraîné un changement important dans les anticipations du marché concernant la trajectoire des banques centrales.
  • Cela nous incite à rester prudents : les probabilités de récession ont sensiblement diminué, mais l'impact cumulé du resserrement monétaire est vraisemblablement « dans les tuyaux », ce qui pourrait se manifester dans les données des prochains mois.
  • Aux Etats-Unis, les bénéfices par action restent supérieurs à la tendance de long terme.
  • Les secteurs de la technologie et de l'énergie ont bénéficié de bénéfices « normaux ».
  • Les investisseurs à long terme ne devraient pas être découragés par les niveaux de valorisation actuels.

Le mois dernier, nous avions écrit que la résilience de l'économie pourrait susciter une certaine frustration chez les banques centrales, qui finirait par faire plier la croyance jusqu’à récemment inébranlable du marché dans des baisses de taux dans la seconde moitié de l’année. Les dernières semaines ont finalement apporté un changement significatif dans les anticipations de marché. Les attentes concernant les taux terminaux de la Réserve fédérale (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE) ont été révisées à la hausse. On notera également que le marché anticipe désormais une réduction de moins de 25 points de base (pdb) pour la Fed au cours du second semestre de cette année. Cette évolution résulte de la combinaison de nombreux indicateurs indiquant une résistance de l'économie réelle – voire une réaccélération – et plusieurs discours de membres du Comité de Politique Monétaire américain (FOMC) qui vont dans le sens d'une poursuite du resserrement.

En effet, aux États-Unis, le rapport sur l'emploi de janvier a dressé un tableau solide pour ce début d'année 2023 avec une forte hausse des créations d'emplois et une forte croissance des salaires. En janvier, l'indice ISM dans le secteur des services s'est extirpé par la grande porte du territoire de contraction (55,2 contre 49,6 en décembre). Les ventes au détail ont aussi été plus fortes que prévu tandis que l'enquête « Empire » dans l'industrie manufacturière a été plus résiliente que son équivalent ISM.

Les bonnes nouvelles concernant l'économie réelle auraient pu alimenter davantage le « récit positif » s'il n'y avait pas eu d'indications que la désinflation se heurte à certains obstacles. L'indice des prix à la consommation (IPC) a de nouveau ralenti en janvier, mais moins que prévu, s'établissant à 6,4% en glissement annuel (A), contre 6,5% en décembre, alors que le marché tablait sur 6,2%. L'inflation sous-jacente a également refusé de ralentir conformément aux attentes, ne reculant que de 0,1 point de pourcentage (pp) à 5,6%(A). Pire encore, sur une base annualisée de trois mois, l'inflation sous-jacente a accéléré, passant de 4,3% en décembre à 4,6%, et ceci malgré une nouvelle contribution négative importante du prix des voitures d'occasion. La Fed s'est récemment concentrée sur les services hors logement : ils sont restés stables à 2,7%(A) pendant trois mois consécutifs mais nous pensons que la Fed souhaiterait voir une véritable décélération car c’est l’une des plus sensibles au cycle économique domestique. De plus, les prix à la production ont surpris à la hausse, témoignant de pressions inflationnistes encore importantes « dans les tuyaux ».

Dans ces circonstances, il n'est pas surprenant que les faucons de la Fed se fassent entendre, au point qu'une hausse de 50pdb du taux directeur est désormais rediscutée, comme l'ont explicitement évoqué James Bullard et Loretta Mester. Le flux de données de la zone euro a également été favorable, avec en particulier la poursuite du rebond de l'indice des directeurs d'achat (PMI) en territoire d'expansion en février, la confiance accrue dans le secteur des services ayant plus que compensé le léger pessimisme dans le secteur manufacturier. Alors que la probabilité d'une récession imminente continue de s'estomper en Europe, et que l'inflation sous-jacente ne s'est toujours pas retournée, les « faucons » de la BCE continuent de plaider en faveur d'une action plus décisive comme en témoignent les propos du président de la Bundesbank, M. Nagel, qui a récemment déclaré « que même après les 300 pdb de hausses de l'année dernière, les conditions monétaires ne sont toujours pas restrictives ». La seule chose que les colombes peuvent faire est de mettre en garde contre les hausses « automatiques », mais la direction à prendre – plus de resserrement – est claire pour elles aussi.

Cela jette une ombre sur la durabilité de l'actuel rebond macroéconomique. Il n'y a pas de moyen facile d'évaluer le temps qu'il faudra pour que l'impact du resserrement monétaire cumulé se matérialise. Nous ne pouvons qu'examiner les précédents. La réaction du marché du travail aux précédents épisodes de resserrement de la Fed a souvent été lente à se manifester. Dans trois cas (1988-1989, 1994-1995 et 1999-2001), un ralentissement de la création d'emplois n'a commencé à se manifester qu'un an environ après les hausses. Cela semble indiquer que la résilience actuelle n'est pas nécessairement une aberration. Dans la zone euro, l'impulsion du crédit (la variation en glissement annuel du flux de nouveaux prêts aux entreprises et aux ménages) est tombée profondément en territoire négatif en janvier, en réaction au durcissement des conditions de prêt. Le marché revoyant désormais à la hausse sa trajectoire attendue des banques centrales, les conditions financières générales sont en train de se resserrer, renversant le relâchement observé en décembre et janvier, ce qui accentuera la pression sur l'économie réelle.

L'année a commencé sur des bases plus solides que ce que l'on pouvait anticiper, mais nous continuons à nous préserver d'un optimisme excessif pour l'ensemble de 2023.

Un aperçu sur les bénéfices

Les décalages entre le resserrement monétaire et un ralentissement significatif de la croissance économique – qui créerait un certain relâchement sur les marchés du travail et réduirait les pressions inflationnistes – ont par le passé montré qu'ils pouvaient être longs. Par conséquent, les perspectives de croissance des économies américaine et européenne restent menacées, même si les données récentes ont montré une certaine résilience. Cela signifie que les perspectives des marchés d'actions restent incertaines. L'année dernière, les valorisations ont subi une correction majeure en réponse à la hausse des taux d'intérêt, mais depuis octobre, les marchés se sont redressés alors même que les prévisions de croissance des bénéfices étaient revues à la baisse. Maintenant que les marchés obligataires s'alignent sur la vision selon laquelle les taux d'intérêt peuvent encore augmenter et ne seront probablement pas réduits avant 2024, l'un des principaux piliers de l'amélioration du sentiment sur les marchés des actions a été fragilisé. En effet, un quelconque support des banques centrales ne devrait probablement pas apparaitre de sitôt. En conséquence, le mantra monétaire « plus haut et plus longtemps » et le risque de nouvelles déceptions sur le front des bénéfices des entreprises rendent les marchés plus vulnérables.

Le marché des actions américaines demeure le plus vulnérable à un nouvel ajustement des valorisations. Toutefois, l'histoire est un peu plus complexe que le simple fait d'affirmer la cherté du marché. À première vue, c'est vrai, surtout si on le compare aux mesures de valorisation d'autres marchés. Le consensus des analystes d'actions prévoit une croissance des bénéfices au cours des 12 prochains mois d'environ 3% pour le S&P500 et l'indice EuroStoxx. Ce chiffre est conforme aux attentes d'un ralentissement de l'économie mondiale, sans toutefois connaître une récession profonde. Toutefois, le marché américain se négocie encore sur la base d'un ratio cours/bénéfices à 12 mois de 18,3 fois, contre 12,7 fois pour l'indice EuroStoxx.

Le niveau des bénéfices globaux sur le marché américain reste bien supérieur à celui qu'implique la tendance à long terme. Les bénéfices ont été dopés pendant la pandémie en grande partie grâce aux bénéfices supérieurs à la normale réalisés par les entreprises technologiques en raison de l'énorme demande de produits suscitée par le passage au travail à distance. Les bénéfices agrégés par action du secteur des technologies de l'information du S&P500 ont augmenté de 46% entre fin 2019 et fin 2021 (contre 26% pour l'ensemble de l'indice). Plus récemment, le secteur de l'énergie a bénéficié de la hausse des prix du pétrole et du gaz, ce qui a entraîné une envolée des bénéfices et, là encore, une hausse du chiffre global.

En dehors de ces secteurs, le comportement des bénéfices s'est davantage aligné sur les tendances de l'économie en général. Les bénéfices du secteur de la consommation discrétionnaire ont chuté, reflétant la compression des revenus réels des ménages, tandis que la reprise des bénéfices après la pandémie dans le secteur plus large de l'industrie a commencé à s'estomper.

Plus que d'autres marchés, les États-Unis ont montré une rupture nette dans le niveau des bénéfices publiés et dans la valorisation globale du marché pendant la pandémie de COVID. Bien que les prévisions de bénéfices aient été revues à la baisse et que les multiples de valorisation aient diminué, il faudrait une nouvelle réduction significative des bénéfices pour que le niveau des bénéfices retrouve sa tendance. De même, le ratio cours-bénéfices aux États-Unis reste bien supérieur à la moyenne qui prévalait avant la pandémie.

Une correction complète vers le niveau historique des bénéfices et le multiple moyen historique est peu probable. Théoriquement, une telle correction signifierait que l'indice S&P se négocie environ 30% plus bas que son niveau actuel. Il faudrait même des taux d'intérêt plus élevés et une profonde récession pour entraîner un tel mouvement du marché. Au lieu de cela, nous nous attendons à ce que le marché des actions évolue dans une large fourchette. Le secteur technologique connaît déjà un certain ajustement, les entreprises faisant état d'un environnement économique difficile et procédant à quelques suppressions d'emplois. Le consensus des prévisions de bénéfices par action pour le secteur informatique est de seulement 4,6% pour les douze prochains mois. Pour le secteur de l'énergie, les perspectives dépendent de ce qui se passe sur les marchés mondiaux du pétrole et du gaz. Le consensus prévoit que les bénéfices baisseront à l'avenir, mais cela dépend de l'évolution des marchés mondiaux de l'énergie et de l'impact que la réouverture de la Chine pourrait avoir sur les prix.

Les secteurs de la technologie et de l'énergie bénéficient de pondérations beaucoup plus élevées sur le marché américain par rapport à l'Europe. Ces secteurs ont stimulé les bénéfices globaux, laissant les États-Unis plus éloignés de la tendance qu'ailleurs. L'écart de valorisation entre les marchés américain et européen reste élevé. Compte tenu de la part plus importante des valeurs de croissance sur le marché américain, il est probable que le ratio cours-bénéfices américain restera supérieur à celui des autres marchés. Toutefois, il existe un risque de nouvel ajustement des bénéfices au cours de l'année prochaine, ce qui pourrait entraîner une sous-performance des actions américaines par rapport aux marchés européens.

Les investisseurs peuvent atténuer ces risques. Les stratégies d'actions qui s'écartent de l'approche pondérée par la capitalisation boursière peuvent réduire la vulnérabilité à de nouveaux ajustements des valorisations et des bénéfices dans le secteur technologique. L'indice S&P500 à pondération égale a enregistré un rendement total annuel de -1,17% au 17 février, contre -5,3% pour l'indice pondéré par la capitalisation boursière, et a légèrement surperformé cette année depuis le début de l'année. Le contraste entre la performance des valeurs de rendement et celle des valeurs de croissance est encore plus frappant au cours de l'année dernière.

Croissance de long terme

Les investisseurs de croissance doivent se concentrer sur le long terme. L'histoire nous apprend que les entreprises et les secteurs qui affichent les meilleurs résultats en termes de croissance des bénéfices sont ceux qui récompensent le plus les investisseurs. Les secteurs américains qui ont affiché les taux de croissance à long terme les plus élevés sont ceux qui ont dégagé les meilleurs rendements – les technologies de l'information, les biotechnologies et les biens de consommation discrétionnaire, par exemple. Avec les progrès réalisés dans le développement et l'utilisation de l'intelligence artificielle et d'autres domaines technologiques, il y a de bonnes raisons de penser que le secteur retrouvera une trajectoire de croissance des bénéfices plus élevée. Les sociétés de croissance du marché au sens large devraient également bénéficier de l'augmentation probable des dépenses d'investissement dans l'automatisation et dans les domaines identifiés comme stratégiques par l'administration américaine dans le cadre de sa législation sur la réduction de l'inflation.

Les ajustements des valorisations sur l'ensemble des marchés financiers au cours de l'année écoulée ont permis aux investisseurs de bénéficier de niveaux plus attractifs pour investir, en particulier si l'horizon de rendement est pluriannuel. Les marchés du crédit offrent les rendements les plus élevés par rapport au risque de crédit depuis des années. Le niveau des spreads de crédit aujourd'hui, sur la plupart des marchés investment grade (IG)et high yield (HY), suggère des rendements excédentaires positifs pour les investisseurs sur des périodes de détention de 3 à 5 ans. Il en va de même pour les marchés d'actions. Les ratios cours/bénéfices actuels suggèrent une très forte probabilité de rendements totaux positifs sur des horizons d'investissement similaires. Même aux États-Unis, l'histoire suggère qu'en partant d'un ratio cours/ bénéfices similaire ou inférieur à celui d'aujourd'hui, sur des périodes de détention de cinq ans, les rendements ont été positifs la plupart du temps. Les performances passées ne garantissent pas les rendements futurs, mais si nous croyons en la croissance économique, l'exposition aux entreprises qui génèrent cette croissance permettra de répondre à la demande de rendement des investisseurs.

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