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Macroéconomie

Edito Avril - Une désinflation inégale entraînera une divergence des politiques

  • 26 avril 2023 (5 minutes)

Points clé

  • L'inflation globale aux Etats-Unis est en baisse, bien que l'amélioration de l'inflation sous-jacente soit plus lente, freinée par un marché du travail toujours tendu.
  • Dans la zone euro, il y a peu de signes d'amélioration de l'inflation sous-jacente, ce qui nécessitera probablement une période plus longue de resserrement de la part de la Banque centrale européenne.
  • Les divergences politiques qui en résultent devraient durer plusieurs mois et soutenir les gains de l'euro.
  • Les turbulences du secteur bancaire se sont estompées mais ont laissé des traces sur les primes de risque du marché.
  • Une combinaison de facteurs a permis aux facteurs de risque de résister. Mais compte tenu des vents contraires persistants, nous considérons qu'une position défensive est la plus prudente pour l'instant.

Des signes de désinflation plus tangibles aux États-Unis qu'en Europe

Aux Etats-Unis, il semble que des progrès aient été réalisés dans la lutte contre l'inflation, même s'il est trop tôt pour que la Réserve fédérale (Fed) baisse la garde. Malheureusement, la zone euro semble moins avancée en matière de désinflation. Cela entraînera probablement une certaine divergence dans la politique monétaire au cours des prochains mois, compatible avec un taux de change de l'euro plus élevé.

Dans l'ensemble, l'inflation sous-jacente américaine est encore trop élevée et ne décélère que légèrement, mais certaines composantes jugées cruciales par la Fed sont encourageantes. Sur une base annualisée de trois mois, le taux de croissance des prix des services hors loyers est désormais proche de 2%. Par ailleurs, les prix de production hors énergie ralentissent significativement, ce qui confirme que la pression dans le « pipeline de l'inflation » s'atténue. Nous devons être prudents : le marché du travail reste très tendu et le récent ralentissement de la croissance des salaires pourrait facilement s'inverser. Même dans les petites entreprises, où le ralentissement économique se fait déjà sentir, les intentions d'embauche restent fortes dans un contexte de rareté de l'offre de main-d'oeuvre.

Toutefois, si l'on ajoute à cela le resserrement éventuel des conditions de crédit déclenché par les turbulences bancaires – alors que les risques immédiats en matière de stabilité financière sont probablement sous contrôle, l'érosion de la base des dépôts a été considérable en l'espace de six semaines seulement – il y a probablement suffisamment d’éléments tangibles pour que la Fed fasse une pause après avoir procédé à une hausse de 25 points de base (pdb) au mois de mai. Quoi qu'il en soit, le taux directeur est déjà deux fois plus élevé que le niveau considéré par la Fed comme la bonne « valeur à long terme ». Le degré de restriction monétaire qui se répercute actuellement sur l'économie est déjà élevé. La Fed peut probablement compter sur les effets retardés du resserrement monétaire cumulé pour ramener l'inflation à l'objectif d'ici la fin de l'année prochaine. Cependant, nous restons assez méfiants concernant les prévisions de baisses de taux du marché pour le second semestre 2023. Après avoir passé 2022 à rattraper l'inflation, nous pensons que le Comité de politique monétaire américain (FOMC) voudra faire preuve de prudence avant de revenir sur sa position.

La situation européenne est tout à fait différente. Au sein de la zone euro, il faut des microscopes pour détecter une décélération de l’inflation sous-jacente. Prise dans son ensemble, elle a même poursuivi son accélération en mars, et si les mesures alternatives de la « moyenne ajustée » suggèrent que le pic a peut-être été dépassé, l'inflation « supercore », qui suit les composantes sensibles à la dynamique de la demande, continue d'augmenter. Des indicateurs clés tels que les enquêtes auprès des directeurs d'achat (PMIs) dans le secteur des services suggèrent que l'économie réelle résiste bien, ce qui pourrait alimenter davantage l'inflation alimentée par la demande. Dans un contexte de baisse du pouvoir d'achat, cette situation est surprenante et les enquêtes nationales, dans certains cas, notamment en France, envoient un signal plus prudent. Néanmoins, il est clair que la zone euro évite la récession – pour l’instant.

À plus long terme, les données sur le crédit nous indiquent que le resserrement monétaire fait son chemin dans le système, mais en l’absence de données « en temps réel » – à la différence des Etats-Unis – étayer l'impact des turbulences bancaires récentes est difficile. En tout état de cause, il convient de mettre en balance ces éléments avec les risques tangibles qui pèsent sur le front des salaires. En effet, alors que les salaires globaux observés restent modérés, les récents accords salariaux sectoriels (par exemple, la proposition très généreuse dans le secteur public allemand) peuvent être interprétés comme des signes que les salaires remplaceront bientôt les marges bénéficiaires en tant que principaux moteurs de l'inflation. L'idée qu'il y a « plus de chemin à parcourir » – et qu'il reste plus d'une hausse de taux dans ce cycle – est plus facile à soutenir dans la zone euro qu'aux Etats-Unis. Le marché a déjà intégré cette divergence et a fait grimper l'euro. Cela contribuera à freiner l'inflation importée, mais cela fonctionne avec de longs décalages, et nous ne prévoyons pas de décélération marquée de l'inflation de base avant la fin de l'été. Cela jouera en faveur des « faucons » au sein du Conseil des gouverneurs de la banque central européenne.

En attendant que le moteur tousse

Les marchés sont en proie à l'angoisse bien connue des pilotes de chasse. Ils ont vu les balles (les problèmes des banques) atteindre le compartiment moteur (l’économie) et attendent avec inquiétude que les ratés (la récession) commencent. Malgré la persistance de quelques gros titres négatifs, les inquiétudes concernant les banques se sont largement apaisées depuis les turbulences de la mi-mars et la crise semble avoir été évitée pour l'instant. À l'instar de la crise survenue en septembre 2022 sur le marché de la dette d’Etat britannique (les Gilts), en lien avec les investissements des fonds de pension (LDI, Liability Driven Investments), les mesures prises par les autorités pour remédier à la situation semblent avoir contenu les risques de contagion systémique. En même temps, comme dans le cas de la crise des Gilts/LDI, les difficultés des banques ont laissé des traces sur les primes de risque du marché.

Ainsi, en Europe, si les spreads des dettes senior du secteur financier (observés sur les Credit Default Swaps, CDS) ont récupéré toute leur sous-performance par rapport aux non financiers, les spreads de la dette financière subordonnée n’ont repris qu'une partie du terrain perdu. De même, l'indice mondial de référence des obligations à capital contingent n'a récupéré que la moitié de la baisse de prix qu'il avait subie à la mi-mars. Aux Etats-Unis, les spreads des CDS du secteur financier continuent de s'élargir par rapport aux non-financiers, comparés aux niveaux prévalant début mars. L’impact sur les attentes du marché en matière de politique monétaire de la Fed est aussi encore bien visible. Le pic attendu du taux des fonds fédéraux est resté bien plus bas que début mars, se situant actuellement à un peu plus de 5%, contre 5,7% le 8 mars.

Pour le moment, une combinaison de facteurs semble soutenir l'appétit pour le risque. Sur le plan macroéconomique, les indicateurs fléchissent mais ne s'effondrent pas. Les valorisations des actifs risqués ne sont pas un niveau particulièrement bon marché, mais elles ne sont pas non plus, de manière générale, dans un territoire de franche surévaluation. Les positionnements observés sur les marchés ne traduisent pas d’excès et le sentiment reste globalement prudent. Les conditions de liquidité depuis le début de l'année ont été favorables. Néanmoins, nous pensons que le maintien d'une position défensive vis-à-vis du risque est l'approche la plus appropriée pour l'instant, compte tenu des vents contraires. 

Du côté positif, la saison des résultats a été jusqu'à présent meilleure que ce que l'on pouvait craindre, une fois de plus. Bien que nous soyons encore au début de la saison de publication des rapports des entreprises non financières, les résultats des banques américaines ont, dans l'ensemble, rassuré les marchés. Des entreprises se sont montrées assez confiantes sur les dépenses de voyages et de loisirs jusqu'à l'été, tandis que d'autres ont fait allusion à une reprise de l'activité au cours du second semestre de l'année. Dans le même temps, les pressions exercées par les coûts des intrants et les chaînes d'approvisionnement continuent, semble-t-il, à s'atténuer. Les prévisions de croissance mondiale sont soutenues par les surprises positives des données macroéconomiques de la Chine. Les indicateurs de surprise économique pour la Chine et les marchés émergents sont en effet positifs en niveau comme en tendance, l'indicateur de la Chine atteignant un niveau record. Dans le même temps, les enquêtes menées auprès des investisseurs indiquent une grande prudence face aux craintes de récession, ce qui est favorable aux actifs risqués d'un point de vue « contrariant ».

Du côté négatif, les conditions financières ne se sont que partiellement rétablies par rapport à la période précédant les troubles bancaires, et certains indicateurs économiques avancés clignotent au rouge. À près de -8% en glissement annuel, la chute de l'indice économique avancé (Leading Economic Index, LEI) aux Etats-Unis est généralement associée aux récessions. De plus, les responsables de la Réserve Fédérale américaine ont maintenu une position « hawkish », c’est-à-dire moins accommodante que les attentes du marché quant à des réductions de taux au cours du second semestre de l'année. À cela s'ajoute l'escalade autour du plafond de la dette américaine. Cette situation s'est rapidement reflétée dans la courbe des spreads des CDS sur la dette du Trésor américain, le point à 1 an bondissant de plus de 100pdb et poussant la pente de la courbe 1 an vs 5 ans vers une inversion record de 76pdb. Au niveau des entreprises, nous devons faire face aux prémices d'une guerre des prix des véhicules électriques, ainsi qu'aux commentaires prudents des entreprises technologiques concernant les retards dans les transactions prévues et les plans d'investissement. La divergence historiquement importante entre la volatilité élevée des taux obligataires et la volatilité modérée des actions crée également un malaise parmi les investisseurs.

La Chine se distingue par le fait qu'elle est la seule région où de bonnes surprises de dynamique économique se combinent à des surprises inflationnistes à la baisse. Si l'on y ajoute l'avantage de l'impulsion du crédit, le marché d’actions chinois peut être en mesure de surperformer les autres marchés d'actions. Les marchés développés, et en particulier les Etats-Unis, connaissent un ralentissement de la dynamique des bénéfices malgré des ventes toujours en territoire positif, en raison de l'impact des salaires sur les marges, une tendance qui devrait persister. Les bénéfices de 2023 risquent d'être encore revus à la baisse, car la majeure partie de la croissance de cette année est due à des produits cycliques qui souffriraient d'un ralentissement, ce qui ramènerait la croissance globale des bénéfices en dessous des prévisions du moment (-5%) et remettrait en question les valorisations actuelles. Alors que le positionnement et le sentiment restent prudents, un afflux régulier de liquidités vers les actions, en provenance de portefeuilles aux positions de trésorerie élevées, semble cohérent avec la courbe de volatilité implicite observée, particulièrement abrupte. Malgré cette pente, les niveaux de volatilité pure pour la fin de l'année restent raisonnables pour la mise ne place de stratégies de protection des portefeuilles. La corrélation entre les actions et les obligations est redevenue négative, ce qui rétablit l'avantage des obligations en termes de diversification et constitue une autre lueur d'espoir pour la protection contre les baisses.

Les marchés du crédit ont suffisamment bien résisté aux problèmes bancaires pour afficher des performances positives. Les spreads sont certes actuellement plus élevés qu'au début du mois de mars, mais leur hausse a été plus que compensée par la baisse des rendements sous-jacents des obligations d'État. Au total le rendement actuariel du crédit a baissé et a donc contribué à cette performance. Malgré cette baisse, les rendements offerts par le crédit restent historiquement très attractifs. Comme on pouvait s'y attendre avec l’actualité, il y a eu une forte divergence entre les banques et les entreprises non financières, l'élargissement de 10 à 15pdb des indices de référence de la catégorie investissement (investment grade, IG) étant dû à l'élargissement de 20 à 35pdb des spreads bancaires, alors que les spreads des entreprises non financières n'ont augmenté que de 5 à 6pdb. L'inconvénient de cette résistance relative des spreads est que les primes de risque ne sont actuellement pas assez élevées compte tenu du risque d’une récession à venir. Sur l'IG américain, les 135pdb offerts au-dessus des rendements des obligations du Trésor représentent moins de la moitié du niveau de spread qui est historiquement associé à une croissance nulle du PIB d'une année sur l'autre. De même sur le crédit en euro, l'IG à 155pdb est encore loin d'un niveau de spread associé à une croissance nulle du PIB, qui se situe entre 200 et 300pdb. Les spreads ne sont pas non plus bon marché dans une perspective de retour à la moyenne. Les niveaux actuels sont historiquement cohérents avec des spreads stables sur trois mois et des spreads légèrement plus larges sur 12 mois.

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