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Investment Institute
Vues du chef économiste (en anglais uniquement)

Edito Octobre - Pression obligataire

  • 25 octobre 2023 (10 minutes)

Points clé

  • La récente hausse des rendements obligataires américains est indépendante de la trajectoire attendue par le marché pour la Réserve fédérale. Des attentes plus élevées en matière de taux d'équilibre et le retour des primes de terme augmentent les rendements.
  • La situation est beaucoup moins claire dans la zone euro, mais les rendements augmentent sous l'effet d’une contagion américaine et de la réduction du bilan de la Banque centrale européenne.
  • Les primes de risque sont de retour sur l’obligataire
  • Des rendements plus élevés indiquent une meilleure performance des obligations

Un taux d’équilibre plus haut ?

Les rendements à 10 ans ont brièvement franchi la barre des 5% aux Etats-Unis, nous ramenant à des niveaux observés pour la dernière fois en juillet 2007, avant la grande crise financière de 2008-2009. Même les propos prudents des responsables de la Réserve fédérale (Fed) sur la trajectoire probable de la politique monétaire ne parviennent plus à dompter le marché.

Des inquiétudes concernant l'inflation seraient à première vue l'explication la plus plausible. Les prix à la consommation ont décéléré assez rapidement aux Etats-Unis, mais les tout derniers chiffres indiquent la possibilité qu'une « ligne de résistance » au-dessus de l'objectif de la Fed soit en train d'émerger. En effet, alors que l'inflation sous-jacente est tirée vers le bas par la baisse continue des prix des produits manufacturés – une fonction de la normalisation des lignes d'approvisionnement mondiales, de la baisse de la demande de biens durables et de la déflation exportée par la Chine – les prix des services, hors loyers, sont à nouveau en hausse. Cela semble indiquer que la résilience actuelle de l'économie américaine, illustrée par des créations d'emplois toujours importantes, entravera le retour de l'inflation à 2%. Pourtant, récemment, la nouvelle hausse des rendements à long terme a été alimentée par les taux réels, tandis que les prévisions d'inflation étaient à peu près stables et conformes au mandat de la Fed en matière d'inflation à long terme.

Alors que la Fed maintient un modeste biais de resserrement (en septembre, 12 membres s'attendent à une nouvelle hausse de taux contre 7 pour le statut quo) et avertit régulièrement qu'elle pourrait être amenée à relever encore les taux directeurs, de nombreux membres du Comité de politique monétaire américain (FOMC) appellent à la patience, espérant que l'effet cumulatif des hausses de taux récentes se répercutera progressivement sur l'économie réelle et impactera les pression inflationnistes domestiques. Ce qui est surprenant, c'est que le marché peut à la fois modérer ses anticipations de hausses futures mais pousser à la hausse les rendements à long terme

Il y a un risque que cela reflète la croyance du marché que le taux d'équilibre a augmenté. Il existe deux approches complémentaires pour essayer de définir ce taux. L'une consiste à le considérer comme le taux compatible avec une inflation conforme à l'objectif lorsqu'il n'y a pas de déséquilibre entre l'offre et la demande dans l'économie (c'est-à-dire lorsque l'écart de production est égal à zéro). On peut également le considérer comme le taux d'intérêt permettant à l'épargne de s'ajuster aux besoins d'investissement de l'économie.

Le fait même que l'inflation persiste et que le taux de chômage reste remarquablement bas suggèrent que les Etats-Unis doivent encore faire face à un excès de demande, bien que les taux directeurs aient désormais dépassé 5%. Il s'agit là d'un élément de preuve supplémentaire en faveur d'un « taux d'équilibre plus élevé ». Il est difficile d'évaluer l'équilibre entre l'épargne et l'investissement en temps réel, mais le fait qu'à politique inchangée, la dette publique américaine atteindra près de 120% du PIB dans dix ans, selon les projections du Congressional Budget Office (CBO). Cela soulève le risque que le gouvernement siphonne une part croissante de l'épargne au détriment du secteur privé, l’obligeant ainsi à augmenter les taux d'intérêt pour stimuler le taux d'épargne. Le conflit actuel sur le projet de loi de finances fédérale oblige les investisseurs à porter un regard plus attentif sur la trajectoire budgétaire.

Cependant, le taux d'équilibre n'est pas observable en temps réel et il faudrait un grand nombre d'hypothèses pour estimer les contributions de ces facteurs au niveau actuel des rendements. Nous ne serions pas surpris de voir le discours actuel sur les taux d'équilibre changer très rapidement dès que les premiers signes tangibles d'un ralentissement économique apparaîtront. Cependant, tant que le flux de données restera résilient, il sera difficile de voir la position du marché changer.

Comment cela se passe-t-il dans la zone euro ? Les arguments en faveur d'un taux d'équilibre plus élevé ne sont pas si évidents. Il est vrai que la région doit commencer à assainir ses finances publiques, mais pour l'ensemble de l'union monétaire, la trajectoire budgétaire reste sous contrôle. La réduction des déficits ne sera pas une promenade de santé, mais il n'y a pas d'obstacle politique ou institutionnel majeur à la stabilisation de la dette publique, contrairement aux Etats-Unis où la mise en place d'un partenariat bipartisan sur ces questions est quasiment impossible. L'argument selon lequel les gouvernements siphonnent une plus grande part de l'épargne existante est moins convaincant. Certes, la situation démographique peu reluisante de l'Europe pourrait contraindre les générations plus âgées à vendre des actifs accumulés pour maintenir leur consommation, ce qui ferait baisser le taux d'épargne global, mais ce phénomène pourrait être atténué, au moins pendant quelques années, par une tendance à l'allongement de la durée de la vie active.

En outre, la zone euro ne fait pas preuve de la même résilience que les Etats-Unis. L'économie stagne déjà, quand elle n'est pas carrément en « récession » dans certains Etats membres. Il est difficile d'affirmer que l'ampleur du resserrement monétaire déjà opéré n'a pas eu l'impact habituel sur la demande.

Cependant, deux forces peuvent expliquer pourquoi la zone euro ne peut échapper complètement à la hausse des rendements à long terme. La première est la contagion habituelle en provenance des Etats-Unis, étant donné le rôle toujours dominant que joue les obligations américaines dans la fixation des prix des obligations au niveau mondial. L'autre est la position de la Banque centrale européenne (BCE) vis à vis de la réduction de son bilan. Le risque existe que le conseil des gouverneurs aille trop vite, en cherchant à limiter les pertes provoquées par la rémunération des réserves excédentaires. Nous avons déjà eu un coup de semonce avec une certaine tension sur le marché obligataire italien donc prudence.

Des rendements courants plus élevés, des performances plus élevées

Avant l'ère de l'assouplissement quantitatif (QE), les performances des obligations d'Etat et des autres actifs à revenu fixe étaient généralement positives. Les périodes négatives étaient limitées en étendue et en durée – elles avaient tendance à se produire lorsque la croissance économique était forte et que les taux d'intérêt augmentaient. Lorsque les obligations faisaient partie d'un portefeuille équilibré, il était généralement admis que si les performances des obligations étaient négatives en raison de la vigueur de l'économie, les performances des actions étaient positives – d'où la popularité de ces portefeuilles équilibrés. Lorsque les performances des actions étaient négatives, les rendements des obligations et les baisses ultérieures des taux d'intérêt se combinaient généralement pour produire des performances positives de la partie obligataire du portefeuille, atténuant ainsi les pertes des actions plus sensibles à la conjoncture économique. Une modification tactique de la répartition entre les obligations et les actions en fonction du cycle macroéconomique aurait pu contribuer à la performance de l'investissement. Mais dans l'ensemble, c'est la combinaison des actifs et de leurs facteurs de risque inhérents qui était déterminante.

En raison de la modification de l'offre et de la demande engendrée par le QE, les rendements obligataires ont chuté au cours de la période qui a suivi la crise financière mondiale. Cela a progressivement réduit les rendements des actifs à taux fixe, car les primes de risque à terme et la volatilité des obligations ont été progressivement supprimées. Les années 2010 n'ont pas connu de périodes longues ou fréquentes de rendements négatifs pour les obligations, mais les rendements moyens ont diminué. Au fil du temps, l'attrait des obligations en tant que classe d'actifs à part entière a diminué et leur utilité dans les portefeuilles équilibrés s'est réduite.

Les trois grands chocs de 2020-2022 se sont combinés pour changer une fois de plus la dynamique du marché. Le COVID-19, la hausse de l'inflation générée par la pandémie et l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont été les préambules d’un choc de politique monétaire, avec à la fois des hausses agressives des taux d'intérêt et la fin de du QE. Les premières phases de la pandémie ont été marquées par une dernière vague de QE, qui a porté les rendements des obligations d'Etat mondiales à des niveaux extrêmement bas. Rétrospectivement, on pouvait s'attendre à une remise à zéro massive des valorisations. C'est effectivement ce qui s'est produit. Les rendements des emprunts d'Etat européens et américains ont atteint leur niveau le plus bas au second semestre 2020. Aujourd'hui, ils sont supérieurs de 400 à 500 points de base (pdb). L'impact sur les rendements des portefeuilles obligataires a été désastreux. L'indice Bloomberg Global Aggregate Bond – composé d'obligations d'Etat et d'obligations d'entreprises de haute qualité – a enregistré une performance négative en 2021 et 2022 et, au moment de la rédaction de ce rapport, il était également en territoire négatif pour 2023.

Un changement de paradigme s'est opéré depuis que les banquiers centraux ont renoncé aux politiques de taux d'intérêt zéro et au QE. Persuader les investisseurs que le moment est venu de revenir aux obligations est toutefois un défi. Les achats des banques centrales appartiennent au passé – le « bond put » a donc disparu. Les gouvernements émettent davantage de dettes pour financer l'augmentation des déficits budgétaires, de sorte que la digestion de l'offre devient un moteur du marché. L'inflation continue de dépasser les niveaux cibles qui ont ancré les attentes inflationnistes depuis une vingtaine d'années. Les banques centrales ont porté les taux d'intérêt au jour le jour à des niveaux qui sont restrictifs dans la plupart des cas, mais il existe une incertitude quant au niveau d'équilibre approprié à moyen terme pour garantir que l'inflation revienne et se maintienne aux niveaux cibles. Pour l'instant, cela signifie que les taux d'intérêt devraient rester élevés pendant une longue période. S’agissant de la Fed, de la BCE et de la Banque d'Angleterre, les anticipations du marché excluent toute baisse significative des taux directeurs pendant la majeure partie de l'année 2024. Les rendements des obligations à long terme risquent d'augmenter encore pour offrir une prime encore plus élevée afin de refléter l'incertitude quant à l'évolution des taux directeurs dans les années à venir. À court terme, les marchés, et donc les prix des actifs, sont plus sensibles à la volatilité des données économiques qu’aux changements modestes de rhétorique des banquiers centraux.

Une vision plus positive repose sur l'hypothèse cruciale que l'inflation se rapprochera du niveau cible de 2% au lieu de rester proche de la moyenne qu'elle a connue dans les économies développées au cours des deux dernières années. Si cette hypothèse est erronée, une grande partie de notre réflexion sur l'investissement et l'économie devra changer. Supposons qu'elle reste l'hypothèse de base la plus solide. Si c'est le cas, l'argument en faveur des obligations est beaucoup plus fort. Historiquement, nous sommes sur des niveaux de rendement des marchés des obligations d'Etat ont qui ont ensuite généré des performances positives. La composition, au sens actuariel, des rendements courants, proches de 5%, est une force puissante – ce qui ne pouvait pas être utilisé comme argument de promotion des obligations d'Etat allemandes à la mi-2020, quand celles-ci se négociaient à un rendement à l'échéance de -85 points de base… Les maturités courtes offrent aujourd'hui des rendements attrayants, délivrant du revenu, tandis que les obligations à long terme se négocient avec une décote si importante par rapport au pair qu'il est possible de bloquer des rendements élevés à moyen terme. Les engagements des passifs peuvent être couverts avec plus de confiance.

L’analyse des obligations d'entreprise s'accompagne d'un élément supplémentaire, le risque de crédit. Historiquement, si l'on considère un indice mondial d'obligations d'entreprises, l'excédent de rendement d'un portefeuille de crédit par rapport à un portefeuille d'obligations d'Etat a été d'environ 150-170pdb. Il y a bien sûr des moments où les écarts de crédit se creusent et réduisent donc la performance totale. Il est important de déterminer comment équilibrer ce risque avec des obligations purement sensibles aux taux d'intérêt et des actions beaucoup plus sensibles à la conjoncture. Néanmoins, au fil du temps et sur la base des primes de risque de crédit actuelles, les obligations d'entreprise devraient produire des performances comprises entre 5% et 10%. En ce qui concerne les obligations à haut rendement, le rendement actuel de plus de 9% sur le marché américain a rarement été dépassé en dehors des périodes de crise. Au cours des prochains trimestres, le ralentissement de la croissance économique et l'augmentation des problèmes des emprunteurs pourraient entraîner un élargissement des écarts de crédit sur les obligations d'entreprise. Toutefois, compte tenu de la situation des taux, l'impact négatif sur les performances pourrait s'avérer relativement limité, étant donné que toute performance négative des prix induit par l'élargissement des spreads de crédit devrait être compensée dans une certaine mesure par un effet positif induit par la baisse des taux.

À l'avenir, le profil des rendements obligataires devrait ressembler davantage à ce qu'il était avant l'ère du QE. Des rendements plus élevés signifient qu'il existe un tampon plus important pour protéger les performances globales, comprenant coupons et variations de prix. Rétrospectivement, nous savons que les obligations étaient très chères en 2020. L'investisseur avisé se serait totalement retiré des marchés obligataires, ou aurait au moins opté pour des stratégies à taux fixe de très courte durée qui auraient bénéficié de taux de réinvestissement constamment plus élevés. Aujourd'hui, il est difficile d'annoncer le sommet des rendements du marché, mais il est judicieux d'établir une stratégie à moyen terme pour tirer parti de rendements composés plus élevés.

Enfin, pour les investisseurs traditionnels dans les fonds équilibrés, les obligations sont à nouveau un moteur de performance intéressant. Elles génèrent plus de revenus, les performances globales devraient être moins volatiles et elles devraient fournir une meilleure couverture contre les performances négatives des marchés d'actions. Étant donné que les perspectives mondiales continuent de subir des vents contraires importants dus au ralentissement de la croissance, à l'incertitude des politiques et aux menaces géopolitiques, cela devrait devenir un thème d'investissement très important.

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