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Investment Institute
Analyses mensuelles

Edito Juin - Lectures d’été

  • 29 juin 2022 (5 minutes)

Points clés

  • La résilience jusqu'ici impressionnante de l'activité économique de part et d’autre de l’Atlantique – qui a joué un rôle majeur dans l'accélération du resserrement des banques centrales – montre ses premières fissures.
  • Nous présentons nos scénarios macroéconomiques révisés en ce milieu d'année. Notre scénario central est celui d’un atterrissage gérable, mais encore douloureux.
  • Une stabilité des marchés obligataires est un préalable à une reprise des marchés en général.
  • Les risques qui pèsent sur la croissance restent le principal défi pour les investisseurs en actions.
  • Les valorisations s'améliorent sur tous les marchés, mais les perspectives à court terme restent incertaines.

Nos scénarios macroéconomiques à mi-année

L'impressionnante résistance de l'économie jusqu'à présent de part et d’autre de l’Atlantique a été un facteur déterminant de la volonté des banques centrales de durcir leur position pour lutter contre le pic d'inflation. En effet, si les« forces auto-stabilisatrices » habituelles – par exemple, un ralentissement de la consommation provoqué par la hausse des prix – ne se manifestent pas, alors la réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque Centrale Européenne (BCE) ressentiront encore plus le besoin de poursuivre leurs hausses de taux. Or c'est précisément au moment où cette nouvelle détermination est communiquée que des signes de décélération apparaissent. Les indices PMI plus faibles que prévu pour le mois de juin aux Etats-Unis et dans la zone euro, ainsi qu'une deuxième estimation moins inquiétante des prévisions d'inflation des consommateurs américains dans l'enquête du Michigan pour le mois de juin, ont déclenché une – rare – révision à la baisse des attentes du marché concernant la trajectoire des Fed Funds. En outre, sans nouvelle flambée de Covid en Chine pour l'instant, l'économie mondiale pourrait éviter une autre source de pression inflationniste du côté de l'offre, par le biais du prix des produits manufacturés. Enfin, les cours du pétrole se sont quelque peu assagis.

Tout cela nous permet de mieux nous situer, en ce milieu d’année, dans l’appréciation des risques qui fonde nos prévisions. Un atterrissage gérable mais néanmoins douloureux constitue notre scénario de base, auquel nous attribuons une probabilité de 60%. En 2023, la croissance du PIB aux Etats-Unis et dans la zone euro devrait être inférieure aux prévisions actuelles de leurs banques centrales respectives (1,2% contre 1,7% pour les Etats-Unis et 0,7% contre 2,1% pour la zone euro), car le resserrement des conditions financières induit par le marché et les forces d'auto-stabilisation s'ajouteraient à l’effet du resserrement de la politique monétaire. Ces moyennes annuelles seraient cohérentes avec un PIB trimestriel en contraction ou au bord de la contraction au tournant de l'année. La perte de dynamique de croissance serait suffisante pour entraîner une décélération de l'inflation sous-jacente sans obliger les banques centrales à procéder à tous les resserrements qu'elles ont communiqués ces derniers temps. La Fed serait « stoppée » à 3,25%, en dessous des 3,4% fin 2022 et 3,8% fin 2023 qui figurent dans leur « dot plot » actuel. La BCE pourrait laisser son taux de dépôt sur la borne inférieure de la « fourchette neutre » (c'est-à-dire vers 1%). Nous verrions alors le rendement des obligations du trésor américain à 10 ans vers 3,15% à la fin de 2022, et le rendement du Bund, les obligations allemandes, de même maturité vers 1,5%.

Nous verrions deux risques symétriques autour de ce scénario de base. Premièrement, en tant que « version extrême » de nos prévisions centrales, nous ne pouvons écarter la possibilité que la somme totale des forces d'auto-stabilisation, du resserrement du marché et de l’orientation restrictive  de la politique monétaire  déclenche un « arrêt brutal » de la demande, de sorte que la croissance du PIB en 2023 soit nulle en moyenne annuelle. Si l'on tient compte des effets de base, cela se matérialiserait par une contraction trimestrielle plus sévère du PIB au tournant de l'année. Les taux d'intérêt à long terme repasseraient alors sous la barre des 3% à la fin de l'année aux Etats-Unis (courbe totalement inversée) et sous la barre des 1% pour le rendement du Bund 10 ans, car l'inflation sous-jacente se corrigerait plus rapidement que ce que les banques centrales elles-mêmes prévoient actuellement. En bref, une correction douloureuse, mais brève.

Deuxièmement, un scénario d'inflation persistante – auquel nous attribuons une probabilité plus faible qu'au scénario alternatif précédent – conduirait à un resserrement monétaire encore plus important, supérieur à la prévision médiane de la Fed pour le taux directeur aux Etats-Unis (au-delà de 4% en 2023) et en territoire restrictif plutôt que neutre dans la zone euro (au-dessus de 2%), entraînant une récession significative (-1%/-2%) en moyenne annuelle en 2023. Les taux d'intérêt à long terme pourraient être très volatils dans cette configuration, avec un désancrage des anticipations d'inflation, compatible dans un premier temps avec une pentification de la courbe des taux, avant que la réponse de la banque centrale ne finisse par restaurer la crédibilité et déclencher une inversion de la courbe. En bref, une correction très douloureuse et prolongée, avec un maximum de dégâts pour les actifs risqués.

Pourtant, la cause profonde d'une telle persistance serait probablement très différente de part et d'autre de l'Atlantique. Aux Etats-Unis, la surchauffe du marché du travail et la flambée des salaires seraient les moteurs les plus évidents. L'inflation sous-jacente serait la principale source du maintien de la tension sur les prix, ce qui rendrait la tâche de la Fed simple, bien que douloureuse. Dans la zone euro, c'est plutôt l'exacerbation des chocs exogènes, et notamment une nouvelle hausse brutale des prix du gaz, qui serait le déclencheur naturel du scénario d'inflation persistante. La tâche de la BCE serait alors beaucoup moins simple.

La zone euro se retrouverait dans une situation de divergence durable entre l'inflation sous-jacente et l'inflation globale. Relever davantage les taux directeurs pour éviter une dérive des anticipations d'inflation serait probablement « la pente  naturelle » de la BCE, mais nous nous attendrions alors à des tensions politiques importantes au sein de l'union monétaire. En effet, dans une configuration « douloureux pour plus longtemps », les gouvernements seraient soumis à une pression intense pour atténuer davantage ce choc, par un soutien budgétaire, et n'apprécieraient pas une position de la BCE qui compromettrait ses conditions de financement. Les marchés eux-mêmes prendraient probablement acte de la détérioration de la croissance du PIB et de la poursuite de la dérive des positions budgétaires. C'est probablement dans ce scénario d'inflation persistante que la probabilité que la BCE soit obligée de déployer son outil anti-fragmentation serait la plus élevée, mais aussi que la capacité des états à respecter la gouvernance de la zone, la conditionnalité macroéconomique, même assouplie, serait la plus faible.

Quelques faibles rayons de lumière à l’horizon pour les marchés obligataires

Le scénario d'un ralentissement de la croissance américaine qui permettrait au taux des Fed Funds de trouver un point haut juste au-dessus de 3,0% est positif pour les marchés obligataires. Il indiquerait que les rendements obligataires à long terme se sont déjà suffisamment tendus et permettrait à la volatilité des taux d'intérêt de diminuer. Les investisseurs seraient donc plus enclins à ajouter de la duration à leur exposition obligataire et les performances commenceraient à devenir positives, après avoir connu les pires baisses de mémoire d'homme. En effet, le creux de performance est peut-être déjà derrière nous. Les prix moyens des obligations sont tombés à des niveaux extrêmement bas et l'effet technique du « retour au pair » devrait permettre de dégager des rendements positifs à l'avenir. Compte tenu de la hausse des rendements, les obligations à taux fixe peuvent à nouveau être considérées comme une couverture potentielle contre la faiblesse des actions, ce qui constitue une raison supplémentaire d'accroître l'exposition à la classe d’actifs.

L'histoire est un peu plus compliquée pour les marchés du crédit. Les différentiels de rendement entre les obligations d'entreprise et les obligations d'Etat – les spreads – se sont élargis à des niveaux qui, par le passé, ont déclenché une période de surperformance pour les obligations d'entreprise par rapport aux obligations d'Etat. En effet, la hausse des rendements globaux semble également attrayante en termes de performances futures. L'indice des obligations d'entreprises américaines de première qualité rapporte 5%, tandis que les indices de référence équivalents en Europe rapportent 3%. La moindre volatilité des taux d'intérêt et le faible prix moyen des obligations devraient rendre le crédit plus attrayant à l'avenir. Toutefois, les spreads ne sont pas à leur niveau le plus élevé. Lors des précédentes périodes de ralentissement économique ou de tensions sur les marchés, les spreads étaient plus importants. Bien sûr, nous ne suggérons pas que les spreads s'approcheront des niveaux observés pendant la grande crise financière mondiale, mais il est certainement possible qu’ils augmentent encore si les données économiques ou les conditions de liquidité se détériorent vraiment pendant l'été.

Toutefois, les perspectives à moyen terme seraient plus positives pour les actifs à revenu fixe. Même dans le secteur du haut rendement, où l'on peut s'attendre à une certaine augmentation des taux de défaut, ceux-ci semblent faibles par rapport aux autres cycles. L'écart entre les coupons existants et les rendements actuels du marché s'est creusé, et il convient de surveiller le risque de refinancement. Cependant, pour autant qu’on le sache, il n'y a pas un énorme mur de refinancement devant nous. Les entreprises sont probablement plus enclines à constituer des niveaux de liquidités pour maintenir leur couverture des intérêts, car les attentes en matière de croissance des revenus et de marges se sont détériorées.

Les rendements plus élevés du crédit suggèrent que les coupons devraient être un déterminant beaucoup plus important des performances des portefeuilles obligataires à l'avenir. Ces dernières années l'intervention des banques centrales sur les marchés a poussé les rendements à la baisse et les prix des obligations à la hausse, de sorte que l'appréciation du capital a eu tendance à dominer dans la performance totale. Cette époque est révolue pour l'instant. En effet, il convient de noter que pour la plupart des périodes de détention autres que celles à relativement court terme, le revenu domine le rendement pour les investisseurs obligataires. Des rendements plus élevés aujourd'hui signifient des flux de revenus plus importants.

L'environnement macroéconomique reste difficile, c'est certain. Pour les investisseurs en actions, une diminution de la volatilité des taux d'intérêt et une stabilisation des rendements obligataires réduiraient la probabilité d'une nouvelle dépréciation importante des actions. Nous constatons que la baisse des ratios cours/bénéfices à terme a déjà été significative. À première vue, la hausse de la valorisation des actions induite par la liquidité de l'ère COVID s'est inversée et, dans certains secteurs et marchés, elle est même allée au-delà en ampleur. Même les secteurs où les valorisations ont atteint des niveaux extrêmes, comme les valeurs technologiques et les valeurs de croissance au sens large, ont connu une réduction significative des valorisations.

La hausse des taux d'intérêt, en particulier des rendements réels, a pesé sur les valorisations des actions. Des taux plus stables devraient rendre moins nécessaire de nouvelles baisses de valorisation. Dans ce cas, le principal moteur des rendements boursiers sera les bénéfices. Les prévisions de bénéfices ont été revues à la baisse au moment de la publication des résultats du premier trimestre, mais le consensus prévoit toujours une croissance de près de 10% des bénéfices par action au cours de l'année prochaine pour les marchés boursiers américains et européens. Cette anticipation pourrait toutefois se révéler trop optimiste étant donné les risques qui pèsent sur la croissance. Toute déception dans les résultats du deuxième trimestre, et nous entendons par là qu'il faut aller au-delà des secteurs liés à la consommation qui ont déjà été orientés à la baisse, pourrait se traduire par une faible performance des actions pendant les mois d'été.

Toutefois, de nombreux indices boursiers affichent des corrections de type « marché baissier » par rapport aux sommets atteints l'année dernière, de sorte que les valorisations sont devenues plus attrayantes. Par rapport aux rendements offerts par les marchés obligataires, les marchés d’actions européens et asiatiques semblent plus attrayants que celui des Etats-Unis. Toutefois, l'Europe continue d'être confrontée à des risques sur le plan énergétique, ainsi qu'à des inquiétudes quant aux risques de fragmentation induits par la hausse des taux de la BCE. Il se pourrait bien que les Etats-Unis, où les valorisations sont généralement plus chères, soient en mesure de se redresser en premier, grâce à un scénario selon lequel la Fed marquerait une pause plus tard dans l'année et l'économie éviterait un ralentissement important.

Il est toujours difficile d'être constructif sur les marchés lorsque les perspectives macroéconomiques et politiques sont si incertaines, comme c'est le cas aujourd'hui. Il existe encore des risques évidents de baisse, dont le moindre n'est pas l'escalade du conflit en Ukraine. Toutefois, si l'on s'en tient à l'évaluation du cycle économique et à la manière dont l'économie mondiale se rééquilibre à la suite de la pandémie, quelques faibles rayons de lumière apparaissent à l'horizon. Les banques centrales, la Fed en tête, ont défini leur stratégie et commencé à agir. L'inflation devrait réagir et, avec elle, un soulagement du côté des taux. Compte tenu de l'ampleur de la chute des prix des obligations cette année, les investisseurs devraient être récompensés en se concentrant sur l'évolution de la situation. Une reprise globale des marchés obligataires peut se produire même si les rendements et les taux restent plus élevés que lorsque les banques centrales ont commencé à tenir un discours ferme. C'est en soi une condition préalable à une meilleure performance du crédit et des actions. Cela viendra, mais les perspectives à court terme restent incertaines.

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