
Edito Juin - Fort vent d’Ouest – Faible visibilité
- 26 juin 2025 (10 minutes)
Points clé
La fin d'un cycle et le début d'un autre plus incertain
Christine Lagarde lors de sa dernière conférence de presse a souligné un point important à propos de la zone euro, qui nous semble valable pour de nombreuses économies : le cycle de politique monétaire qui s’est ouvert à la fin de la pandémie touche à sa fin. Le choc inflationniste provoqué par la réouverture a été absorbé. Il reste difficile à ce stade d’évaluer précisément la part de la politique monétaire dans la désinflation – les chocs d’offre ont tendance à se résorber d’eux-mêmes – mais les banques centrales ont suivi le mode d’emploi canonique : face à une inflation persistante et supérieure aux objectifs, elles ont relevé leurs taux directeurs afin d’ancrer les anticipations d’inflation à long terme, évitant probablement une spirale salaires-prix plus longue et plus dommageable. Elles ont agi sans provoquer de récession, en partie parce que l’orientation de la politique budgétaire est restée largement favorable.
Mais les chocs continuent d'abonder et, cette fois, ils ne sont pas tous symétriques. Les droits de douane américains sont inflationnistes pour les Etats-Unis, mais dans l’ensemble, ils ont probablement un effet désinflationniste sur le reste du monde. Une fois de plus, la Réserve Fédérale (Fed) suit le mode d’emploi canonique. Bien que la politique monétaire reste, selon Jay Powell, « modérément restrictive », la Fed n'est pas prête à répondre de manière préventive aux premiers signes, certes discrets, d’un essoufflement du marché du travail américain. Nous pensons qu’à terme, lorsque ces fragilités deviendront plus visibles, la Fed reprendra ses baisses de taux, probablement dès le quatrième trimestre, à hauteur de 50 points de base (pdb) selon notre scénario central. Cependant, le souvenir de la persistance de l'inflation après la pandémie agira comme un frein à la vitesse et à l'ampleur de l'accommodement.
La Banque Centrale Européenne (BCE) devrait théoriquement être moins contrainte, mais après avoir atteint le taux neutre, elle estime nécessaire de faire preuve d’une prudence accrue. Nous pensons qu’elle reprendra également les baisses de taux, après une pause plus courte qu’aux Etats-Unis, avec des prochaines étapes attendues en septembre et en décembre. Désormais, tout nouvel assouplissement devra être justifié par les données économiques plutôt qu’anticipé de manière préventive. La résilience du marché du travail en Europe joue probablement un rôle dans les hésitations du Conseil des gouverneurs à franchir le Rubicon et à poursuivre un rythme rapide d’assouplissement. Mais le risque est que l'objectif d'inflation ne soit pas atteint « par le bas », avec une inflation plus proche de 1% que 2%, un scénario que la BCE reconnaît d’ailleurs déjà partiellement dans ses dernières projections.
Au-delà de la nécessité « d’attendre de voir les dégâts » dans les données économiques, la principale difficulté à laquelle sont confrontées les banques centrales reste l’incertitude. Jay Powell avait sans doute raison en affirmant que le pic d’incertitude lié aux droits de douane était désormais derrière nous, maintenant que l’administration américaine semble privilégier la voie des négociations plutôt que des mesures unilatérales, et qu’elle a renoncé aux tarifs les plus extrêmes. Mais la zone d’atterrissage de ces discussions commerciales reste très large et indéterminée. Le scénario central le plus récent de la BCE suppose des droits de douane américains sur les produits européens à hauteur de 10% : cela pourrait s’avérer encore trop optimiste. Au-delà du commerce, si l'orientation budgétaire des Etats-Unis est clairement expansionniste, l'ampleur de la nouvelle détérioration de la trajectoire du déficit n'est pas encore totalement quantifiable compte tenu des discussions internes au sein du parti républicain, et les conditions financières globales pourraient encore se resserrer, ce qui pèserait sur la fonction de réaction de la Fed. En Europe, la BCE compte sur une matérialisation assez rapide de la poussée fiscale massive de l'Allemagne sur la croissance européenne, mais l'Allemagne n'a pas exécuté ce type de plan général de dépenses depuis des décennies et les risques de mise en œuvre sont importants. Et bien sûr, le regain de tension au Moyen-Orient ajoute une nouvelle couche d'incertitude.
Ce qui nous frappe surtout, c’est que l’économie mondiale reste aujourd’hui largement dominée par des chocs d’offre, qui orientent à leur tour l’ensemble des politiques monétaire et budgétaire. En dehors de l'Allemagne, qui a enfin trouvé un substitut national à la traction étrangère, la dynamique de la demande est complètement négligée. Même aux Etats-Unis, l'impulsion budgétaire prolonge essentiellement les réductions d'impôts de 2017 et n'apportera que peu de soutien supplémentaire à la demande. Partout dans le monde, l’espace de manœuvre pour piloter la demande s’est considérablement réduit. C'est la recette pour une croissance lente.
Menace sur les cours du pétrole, un risque pour les marchés
Les événements géopolitiques menacent d'exacerber l'incertitude autour des perspectives économiques mondiales, déjà assombries par les politiques commerciales du président Donald Trump. Pour les marchés, les principales incertitudes portent sur l'évolution des prix du pétrole, la manière dont les banques centrales gèrent une hausse de l'inflation liée aux prix du pétrole et la question de savoir si les bénéfices des entreprises pourraient souffrir de frictions accrues dans le commerce mondial de l'énergie et des marchandises. Les rendements des marchés ont été solides au premier semestre 2025, de nombreux marchés d'actions affichant des performances impressionnantes, à deux chiffres, cela malgré les inquiétudes suscitées par la position des Etats-Unis sur le commerce. Contrairement aux bonnes performances des marchés européens, le retard des indices boursiers américains et des marchés d'actions chinois suggère que les investisseurs considèrent que le problème commercial entre les Etats-Unis et la Chine est celui qui risque de causer le plus de dégâts économiques.
Les perspectives pour le second semestre 2025 dépendent de nombreux développements politiques. À court terme, il s'agit notamment de la possibilité de la rupture du cessez-le-feu entre l’Iran et Israël après l’intervention américaine. Début juillet, M. Trump devrait également clarifier sa position sur les tarifs douaniers mondiaux, tandis que la finalisation du processus budgétaire américain mettra davantage l'accent sur les perspectives fiscales (inquiétantes). Ces événements politiques pourraient déclencher la volatilité des marchés financiers en raison de leur impact sur l'inflation, la croissance et les bénéfices des entreprises jusqu'à la fin de 2025. La probabilité d'une augmentation des primes de risque sur les marchés des taux d'intérêt, du crédit et des actions s'accroît. Les rendements des obligations d'Etat à long terme ont déjà connu une hausse généralisée en 2025, les risques inflationnistes et budgétaires entraînant une pentification des courbes de rendement pour les échéances les plus longues. L'incertitude géopolitique accrue et la hausse des prix du pétrole pourraient prolonger ces mouvements.
Risques inflationnistes
Les investisseurs se concentreront sur le pétrole et sur les prochaines données relatives à l'inflation aux Etats-Unis. Juste avant l’intervention militaire américaine en Iran, les prix du pétrole brut avaient augmenté de 25% au cours du mois de juin, entraînant une hausse des prix de gros de l'essence aux Etats-Unis. Cette hausse se répercutera sur les données relatives à l'inflation des prix à la consommation. Même si la très récente désescalade de la tension au Moyen-Orient rassure sur les cours du pétrole, nous pensons que l'impact des tarifs douaniers déjà mis en place commencera à se faire sentir dans les données réelles au cours des prochains mois. Il existe donc un risque que l'inflation globale américaine dépasse à nouveau 3,0% cet été. La Fed aura alors encore plus de mal à réduire les taux d'intérêt. En effet, le risque pour le marché obligataire américain est que les attentes de baisses de taux en 2025 (actuellement près de deux baisses sont prévues) disparaissent, poussant les rendements à la hausse sur l'ensemble de la courbe. À moins que les données économiques n'indiquent une forte décélération de l'activité économique et une faiblesse évidente du marché de l'emploi, les obligations à taux fixe de longue durée devraient continuer à sous-performer.
Acheter le crédit sur repli
Les marchés du crédit ont remarquablement résisté ces dernières années, grâce à l'amélioration de la santé des bilans des entreprises. En effet, les investisseurs discutent souvent de la question de savoir si l'amélioration relative des fondamentaux du secteur privé par rapport à la détérioration des bilans du secteur public devrait signifier que les spreads de crédit peuvent continuer à évoluer pour être encore plus étroits que leurs niveaux actuels. Toutefois, comme on l'a vu en avril, la réaction des spreads à un choc macroéconomique est de s'élargir rapidement. Un regain de tension au Moyen-Orient, avec des inquiétudes sur les perspectives de croissance et d'inflation, conduirait probablement à une réaction similaire. La demande de crédit reste toutefois très forte compte tenu des niveaux de rendement actuels. Cela nous incite à penser que les marchés du crédit bénéficieraient grandement d'une réaction d'achat en cas d'élargissement rapide des spreads. Cela donnerait également aux investisseurs la possibilité de bloquer des rendements plus élevés et, en même temps, d'améliorer la qualité de crédit de leur exposition.
Dans ce contexte, il est difficile de faire des choix relatifs par région ou par pays, car les mouvements brusques d'atténuation des risques sur les marchés tendent à être fortement corrélés. Il est également difficile de réconcilier la détérioration des fondamentaux avec les flux motivés par le sentiment des investisseurs. Les perspectives du dollar américain en sont un bon exemple. Le billet vert s'est affaibli en 2025 et il y a de multiples raisons pour que cet affaiblissement se poursuive au cours de l'année. Toutefois, le dollar est traditionnellement une classe d'actifs « refuge » en période d'incertitude géopolitique. Le franc suisse (déjà très fort) et le yen japonais sont d'autres monnaies qui devraient bénéficier d'une allocation plus défensive de la part des investisseurs. L'or devrait également poursuivre sa tendance à la hausse.
Davantage de volatilité pour les actions ?
Depuis le début de l'année, les marchés boursiers européens ont nettement surpassé leurs homologues américains. Les valorisations relatives, l'incertitude politique aux Etats-Unis et la perspective d'une relance budgétaire en Europe y ont contribué. Toutefois, les économies européennes sont vulnérables à un choc énergétique, alors que les Etats-Unis sont aujourd'hui des exportateurs nets d'énergie. Toute période prolongée de hausse des prix du pétrole pourrait compromettre les perspectives de bénéfices en Europe et sur d'autres marchés. Par ailleurs, les prix élevés du pétrole devraient donner un élan supplémentaire aux investissements dans les sources d'énergie renouvelables, ce qui profitera aux entreprises qui fournissent l'équipement pour les parcs solaires et éoliens, ainsi que les réseaux de distribution d'électricité associés.
Il serait surprenant que la combinaison des droits de douanes, des déficits budgétaires élevés et de l'escalade du conflit militaire au Moyen-Orient ne menace pas les marchés financiers. Les marchés des actions et du crédit sont les plus menacés par une révision des perspectives de croissance et ce que cela implique pour les flux de trésorerie des entreprises, le marché des actions américaines étant celui qui a le plus à perdre du point de vue de la valorisation. Même s'il n'y a pas de réescalade et que l'Iran et les Etats-Unis parviennent à trouver une solution pérenne sur le programme nucléaire, la hausse des actifs à risque semble limitée par les valorisations et d'autres événements politiques négatifs potentiels. Un meilleur équilibre géographique des portefeuilles d'actions, et donc une réduction de l'exposition absolue aux Etats-Unis, semble être un thème commun aux investisseurs. En ce qui concerne l’obligataire, la Fed restant en suspens et la Banque centrale européenne suggérant qu'elle a « fini » de réduire les taux d'intérêt (du moins pour un certain temps), les niveaux de rendement actuels sur les marchés continueront à générer un niveau modeste de revenus pour les investisseurs.
Le second semestre 2025 devrait être difficile pour les marchés. Pour de nombreuses catégories d'actifs, les rendements des six premiersmois ont été supérieurs à ce que la plupart des analystes auraient attendu pour l'ensemble de l'année. En ce qui concerne les titres à revenu fixe, les stratégies globales diversifiées devraient continuer à produire des rendements corrects, tandis que les stratégies à duration courte et de protection contre l'inflation semblent également appropriées dans cet environnement. En ce qui concerne les actions, la très bonne performance des actions européennes a reflété les attentes de futures mesures de relance budgétaire de la part de l'Allemagne et les gains impressionnants qui en ont découlé dans le secteur de la défense et les prix des actions qui s'y rapportent. Il n'est pas certain que de tels rendements puissent être maintenus en cas de nouveau choc macroéconomique d'origine géopolitique.
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