Inflation : un phénomène certes temporaire, mais plus persistant que prévu
Sous l’effet combiné de la hausse de la demande des consommateurs, des pénuries de matières premières et des perturbations persistantes qui affectent les chaînes d’approvisionnement, l’inflation reste anormalement élevée, mais nous pensons que cette situation sera de courte durée.
Certains signes indiquent même aujourd’hui que l’inflation américaine pourrait déjà avoir atteint son sommet. Après une hausse de 0,5 % en juillet, l’indice des prix à la consommation (IPC) américain a augmenté de 0,3 % en août, sa plus faible progression depuis janvier. En glissement annuel, l’IPC a progressé de 5,3 % contre 5,4 % en juillet1 .
Dans la zone euro, l’inflation annuelle a atteint son plus haut niveau depuis 13 ans, à 3,4 % en septembre 2021. La Banque centrale européenne a indiqué que cette flambée était due en grande partie à des facteurs ponctuels, comme les goulets d’étranglement de l’offre, et que la croissance des prix devrait ralentir début 20222 .
Selon nous, l’inflation américaine restera supérieure à 4 % avant de se replier à la fin du premier trimestre 2022. Nous tablons également sur un taux d’inflation proche de 2,5 % dans la zone euro jusqu’à la fin du T2 2022, puis sur un ralentissement par la suite à mesure que les problèmes de chaîne d’approvisionnement se résorberont et que la demande se normalisera.
Toutefois, lorsque les hausses de prix commenceront à faiblir, nous pensons qu’elles resteront relativement élevées au regard des niveaux historiques. Ainsi, à la même époque l’an prochain, l’inflation aux États-Unis et en zone euro devrait selon nous s’établir respectivement autour de 2,5 et 1,5 %.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à penser que l’inflation ne retombera pas à zéro. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a indiqué qu’elle anticipait une hausse des prix plus rapide qu’avant la pandémie dans l’ensemble des pays du G20 pendant au moins les deux prochaines années.3
Risques concernant le scénario d’inflation
Bien que nous soyons convaincus du caractère temporaire de la hausse de l’inflation à terme, il est important de surveiller les risques. Il est par nature difficile de prévoir l’inflation, même pour les spécialistes. Les prix peuvent être faussés par des facteurs imprévus ou isolés comme les phénomènes météorologiques extrêmes ou les pénuries soudaines, et d’autres risques majeurs doivent être pris en compte.
Avant l’apparition de la pandémie de coronavirus, de nombreuses économies connaissaient une période de croissance et d’inflation modérées. Les entreprises bénéficiaient d’une plus grande visibilité et, par conséquent, les cycles économiques étaient plus longs. Toutefois, la pandémie a changé la donne. À mesure qu’elles sortaient des phases de confinement, les économies ont évolué en dents de scie, de sorte que de nombreuses entreprises ont hésité à accroître leurs capacités de production, rendant ainsi les perspectives économiques et inflationnistes plus volatiles.
Parallèlement, la volonté de « reconstruire en mieux » et de privilégier une transition écologique vers un monde à faible émission de CO2 pourrait faire monter les prix de certaines matières premières. Toutefois, les indicateurs d’inflation sont ajustés pour tenir compte du fait que les produits plus chers sont parfois de meilleure qualité, un processus dit « hédonique ». Si les véhicules électriques, par exemple, se perfectionnent sans que leur coût ne change, cela peut faire baisser l’inflation.
Les changements de politique opérés en Chine, deuxième économie mondiale, constituent un autre risque pour l’inflation mondiale. Alors que le modèle de croissance chinois commence à basculer de l’exportation vers la consommation, le rôle d’usine du monde que joue la Chine pourrait diminuer, ce qui pourrait avoir un impact significatif sur les prix. Par ailleurs, la pénurie d’énergie que rencontre actuellement la Chine contraint certaines usines à limiter leur production, ce qui a également un impact inflationniste.
Actuellement, le plus important risque d’inflation à court terme est selon moi la boucle prix-salaires, liée à une pénurie de main-d’œuvre, à mesure que les économies sortent de confinement. Dans de nombreux secteurs, les salaires augmentent pour inciter la main-d’œuvre à revenir, et l’augmentation du revenu disponible tend à accroître la demande de biens et de services, ce qui fait monter les prix. La hausse des prix provoque à son tour une hausse de la demande en faveur de salaires plus élevés, ce qui peut donner lieu à une spirale ascendante qui, potentiellement, ne prend fin que lorsque les taux d’intérêt sont relevés.
Politique monétaire et stratégie d’investissement
Nous continuons certes de penser que le choc d’inflation actuel sera « temporaire », mais il nous faut reconnaître que ce terme est devenu plus difficile à définir dans la mesure où l’inflation a continué de surprendre à la hausse.
Cette situation ouvre la voie à la normalisation des politiques monétaires des banques centrales. En fait, l’inflation est actuellement plus élevée qu’elle ne l’était au cours des précédentes périodes de resserrement des politiques monétaires. La Réserve fédérale devrait annoncer la réduction progressive de ses achats d’actifs lors de sa réunion de novembre, le processus devant commencer peu après et s’achever au milieu de l’année 2022.
Les attentes en matière de taux d’intérêt ont elles aussi évolué alors que le Comité de la Fed chargé de les fixer envisage désormais une première hausse potentielle dès 2022. De son côté, la Banque d’Angleterre a fait savoir, lors de sa réunion de septembre, qu’elle pourrait être la première des grandes banques centrales à relever ses taux d’intérêt, peut-être avant la fin de l’année, même si nous pensons que cette hausse interviendra plus vraisemblablement en 2022.
Dans ce contexte, mon choix se porte sur les obligations indexées sur l’inflation situées sur la partie courte de la courbe des taux (celles dont les échéances sont plus courtes) car elles sont potentiellement les moins exposées à une hausse des taux d’intérêt.
Je privilégie également les obligations indexées sur l’inflation à duration courte car elles sont historiquement plus sensibles à l’évolution des prix des matières premières. En outre, leur performance est plus étroitement corrélée à l’indexation sur l’inflation, ce qui devrait continuer à les favoriser au cours des prochains mois dans la mesure où l’inflation reste un sujet brûlant.
Dans la zone euro, il semble que l’assouplissement quantitatif soit devenu une constante de la politique monétaire tant que l’inflation reste relativement faible. Cela constitue toutefois un autre risque dans la mesure où la politique changera un jour ou l’autre. La détention d’obligations d’État françaises et allemandes à court terme peut constituer un indicateur de la hausse des points morts d’inflation (différence entre le rendement nominal d’un investissement à taux fixe et le rendement réel d’une obligation indexée sur l’inflation) et peut permettre de se prémunir contre un changement de politique.
Aux États-Unis, je privilégie les bons du Trésor indexés sur l’inflation (TIPS) à un ou deux ans en raison du portage positif de l’indexation des obligations sur l’inflation, mais je préfère continuer à sous-pondérer les TIPS à cinq ans et plus car ils sont selon moi exposés au risque de diminution progressive des programmes d’achats d’actifs.
Depuis le début de l’année 2021, le choc inflationniste a été considérable. Il y a encore quelques mois, les économistes tablaient sur un pic d’inflation autour de 1,5 % dans la zone euro, alors qu’il est désormais probable qu’elle dépassera largement les 4 %. Bien que nous soyons convaincus du caractère temporaire de l’inflation à terme, cette année a montré qu’elle pouvait surprendre à la hausse sans crier gare. Pour l’heure, le maintien d’un niveau de protection contre l’inflation dans les portefeuilles d’investissement demeure une stratégie tout à fait pertinente, même dans la perspective d’une normalisation prochaine des politiques monétaires.
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